Sommes-nous déjà à l’heure du bilan des 16 mois de crise de la GLNF ?
Certains Frères poussés par un désir de justice et d’expiation souhaitent que les coupables de cette crise soient « châtiés », que les « fautifs » soient exclus, au pire, et retournent « sur les colonnes », au mieux...
Il nous fait à tout prix éviter l’écueil que nous tendent les sentiments de revanche et d’orgueil blessé, pour prendre, au contraire, une distance psychologique vis-à-vis de la situation actuelle.
Ce regard lucide est affaire de volonté et n’est aucunement en contradiction avec notre démarche maçonnique.
Prenons donc de la distance, pratiquons le pas de côté en faisant appel à une philosophie de la provocation, du coup de marteau...ou de maillet !
Ainsi, selon Nietzsche, la vie est volonté de puissance au sens où elle est fondamentalement et inexorablement le jeu de forces en constante relations de contradiction et d’adversité.
Notre salut est dans la possibilité qui nous est offerte de dévoiler les forces de faiblesse et de puissance qui sous-tendent toute action ou toute pensée.
La volonté est la résultante du combat permanent entre ces pulsions et ces affects qui se hiérarchisent selon qu’une de ces pulsions, de force ou de faiblesse prend le dessus sur les autres.
De cette analyse, il ressort qu’on ne peut aboutir à un jugement simple sur une responsabilité avérée.
Tout est affaire de nuances et tout acte doit être pondéré car rien de permet de trancher avec certitude sur une responsabilité totale ou d’ailleurs une irresponsabilité totale.
Il nous faut avoir comme impératif une finesse d’appréciation de la qualité de l’acte, une grande maîtrise de soi et adopter la prudence dans ses accusations car en tout acte se mêle inextricablement force et faiblesse, négation et affirmation, bassesse et noblesse...
N’oublions pas que notre civilisation vit sur le schéma d’un dualisme enraciné qui ne voit pas de parenté entre le Bien et le Mal et entretient cette parfaite illusion de l’antinomie des valeurs.
Notre réaction nous révèle sur nous-même, plus qu’elle nous renseigne sur l’essence des choses.
En tant que Franc-Maçon, nous sommes imprégnés de cette totale dichotomie entre le Bien et le Mal, entre bonne et mauvaise action, alors qu’il n’y a pas de différence d’espèce mais tout au plus de degré entre elles car les « bonnes actions sont des mauvaises actions sublimées ». (F. Nietzsche - Humain, trop humain)
Celles-ci dépendent également du contexte à partir duquel nous les apprécions à savoir le contexte historique et la situation sociale du moment et qui est éminemment variable.
Toutefois, notre démarche initiatique nous pousse à dépasser les antagonismes grâce à la voie symbolique.
A l’heure des « jugements », gardons à l’esprit que le châtiment ne peut pas rendre l’homme meilleur parce qu’il le persuade au fond de sa propre faiblesse et le pousse à inventer par tous les moyens des mécanismes de défense, y compris les plus abjects.
Notre ex-Grand-Maître l’a parfaitement illustré tout au long de la tragique histoire récente de la GLNF.
Cette période de bilan, de reconstruction doit nous inciter à être plus que jamais vigilant sur ce qui sous-tend nos affects, nos idées et idéaux, nos pensées et jugements.
La voie de libération, que nous propose Nietzsche dans Aurore, c’est de passer d’un comportement habituel, héritage de nos habitudes à tout juger, condamner et haïr, à une nouvelle sagesse faite de compréhension, d’amour et d’élévation du regard.
Et, pourquoi pas, d’« avoir involontairement contribué à ajouter un rayon de soleil à la joie du monde » !